mardi 17 mai 2011

V comme ...

Violet.

"Violet n'avait alors que vingt-sept ans, et elle était encore plongée avec passion dans la rédaction de sa thèse sur les femmes mortes depuis longtemps dont la folie se traduisait par des crises violentes, des membres paralysés, des stigmates, d'irrépressibles besoins de se gratter, des poses lascives et des hallucinations. Elle appelait les hystériques "mes adorables folles" et les citait négligemment par leurs noms, comme si elle les avait rencontrées depuis peu dans le service et voyait en elles des amies ou, au moins, des relations intéressantes. Contrairement à la plupart des intellectuels, Violet ne faisait pas de distinction entre le cérébral et le physique. Sa pensée semblait circuler dans son être tout entier comme si réfléchir avait été une expérience sensuelle. Ses gestes suggéraient chaleur et langueur, un bien-être paisible dans son propre corps. Elle était toujours en train de s'installer plus confortablement. Elle se lovait dans les fauteuils, ajustant son cou, ses bras et ses épaules. Elle croisait les jambes ou en laissait une se balancer par-dessus le bord d'un canapé. Elle avait tendance à soupirer, à respirer profondément et à se mordiller la lèvre inférieure lorsqu'elle réfléchissait. Parfois, elle se caressait le bras avec douceur tout en parlant ou promenait son doigt sur ses lèvres pendant qu'elle écoutait. Souvent, tandis qu'elle me parlait, elle tendait le bras pour me toucher très légèrement la main. Avec Erica, elle se montrait ouvertement affectueuse. Elle lui caressait les cheveux ou lui posait avec abandon un bras sur les épaules." 

Violet, l'héroïne de Tout ce que j'aimais de Siri Hustvedt (extrait p. 69, Acte Sud, Babel, 2005). Le livre qui m'a le plus bouleversée ces dernières années. Au point de relire chaque phrase pour ne pas le dévorer trop vite. Au point de le refermer après la première phrase du deuxième chapitre, en étouffant un "NON! Pas ça, pas ça...", puis de reprendre la lecture en me disant que mon bonheur ne sera plus jamais innocent. Le refermer en souhaitant que passent rapidement plusieurs années, afin de pouvoir le relire. En fait, j'aimerais pouvoir l'ouvrir à nouveau pour la première fois. J'ai été tellement prise par Violet, Erica, Bill et Leo, que je ne situe plus du tout le contexte de la lecture, ni la période précise. Je me souviens juste l'avoir vu pour la première fois dans une jolie librairie à Montréal, été 2005.

À toi, ma V. parisienne, plein de bises en souvenir de ces cinq dernières années. C'était hier et, pourtant, il y a si longtemps déjà...

V comme...

Victorieuse
Volontaire
Vivifiante
Vraie
Voluptueuse
Valiente (parce que "courageuse", ça ne commence pas par V)

Vraiment une super(be) amie
Vivement qu'on se voit!

4 commentaires:

  1. j'ai été tellement marquée par ce livre.. j'attendais jules, mon ventre très rond de 7 mois. mon petit garçon qu'on appelait déjà jules entre nous, mon amoureux et moi... et puis au milieu de l'après-midi, une énorme nausée à la lecture de ces mots qui tuent. me tuent, tuent cette maman.
    Arg. je ne sais pas comment j'ai fini ce livre, dérangée, mal, triste.
    je ne veux jamais le relire celui-là.
    bisesss

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  2. En fait, j'aimerais pouvoir le relire dans les conditions d'alors. C'est sûr qu'aujourd'hui, j'aurais du mal. Et pas seulement parce que je connais l'histoire...
    Bises à toi aussi

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  3. vos commentaires suscitent la curiosité de se plonger dans les pages de ce livre mais éveillent également le sentiment d'un profond malaise.Est-ce l'effet"miroir de l'âme" qui dérange ou le fait de céder aux craintes et aux doutes qui pourraient vous assaillir.

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  4. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un profond malaise mais plutôt d'une immense tristesse ressentie "pour", "avec" les personnages. Leur histoire me donnait envie d'être eux (n'importe lequel des 4), d'avoir vécu leur vie dans les '70-'80. Puis l'événement fatal, qu'on craint évidemment tous (d'où la nausée), et qui les bouleverse en tant que personnes et groupe d'amis.
    Sinon, c'est le premier bouquin sur lequel je me plante pendant les 10 premières pages sur le sexe de la personne qui raconte. C'est super bizarre comme sensation!

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