Ce weekend, j'ai lu l'introduction de Dis maman, pourquoi on peut pas dire merde? de Joseph & Caroline Messinger (merci maman! ça a l'air super intéressant!) et pffff... J'ai "juste" l'impression que je dois complètement réapprendre à parler. Le déminage des bombes à retardement que représentent les mots grossiers et le fait que l'enfant soit une éponge, ça va, je comprends! Mais ça se complique avec l'enjeu d'éviter les discours polluants. Hein? Quoi? Ces discours polluants font référence à l'enfant (... et donc à l'adulte qu'il deviendra ou à celui que nous sommes!) qui parle à l'imparfait (je voulais) mais aussi au conditionnel (je voudrais) ou pire encore, au conditionnel passé (j'aurais voulu); à l'enfant qui ne parle que sur le mode du "il faut", "je dois", "je vais"; ou à celui qui s'exprime sur le mode interro-négatif (je ne peux pas faire ci ou ça?). Les auteurs traitent aussi de l'enfant surmené, embrigadé dans un agenda de ministre qui ne lui laisse aucun temps libre, (...) un enfant qui ne fait pas appel à son esprit d'initiative (p. 19).
J'ai par exemple trouvé ce passage terrible et à la fois fort éclairant:
L'imparfait de l'indicatif est par définition un temps non parfait, il identifie l'enfant "je voulais" qui conjugue son futur au passé. Cette formulation régressive appartient à un enfant bloqué au premier stade, celui de la mémoire verbale du souvenir. Il lui est interdit d'affirmer ses envies/désirs. Mais il peut les exprimer en se dissimulant derrière une concordance des temps qui se conjugue à l'imparfait de l'indicatif. La demande imparfaite est effaçable puisqu'elle ne s'affirme pas. (...) Si votre enfant utilise souvent l'imparfait, c'est un enfant qui regarde son présent dans le rétroviseur. Vous n'êtes pas nostalgique? Mais alors d'où provient cette formulation régressive qu'adopte si régulièrement votre enfant? Une formule de politesse dites-vous? Drôle de politesse, en vérité, qui empêche les rêves de se réaliser, le futur d'exister. (...) Votre enfant avance dans la vie à reculons. (p. 17)
Gloups. La conclusion de ce rapide avant-propos est d'apprendre à l'enfant à s'exprimer sur le mode du "je veux" (disons "je veux s'il-te-plaît"!).
Pour pouvoir s'affirmer, il est indispensable de conjuguer sa vie au présent de l'indicatif (...). L'enfant qui s'exprime au présent de l'instant qu'il vit est souvent mal perçu par les adultes. Il s'affirme. On lui en fait la remarque tellement souvent qu'il finit par adopter les codes de ses mentors. Ce faisant, il se sent forcé de remiser sa personnalité au placard pour ne pas perturber ces grandes personnes qui rêvent leur vie au lieu de vivre leurs rêves. Ne permettez pas cette pollution majeure dont votre enfant est la première victime. (...) Expliquez-lui que le conditionnel est un temps écrit au crayon de papier. On peut le gommer. Ce qui est conjugué au conditionnel n'est jamais réel. Ce qui est conjugué à l'imparfait est déjà dépassé; ce qui est conjugué au conditionnel passé (...) n'est qu'un rêve sur pied. (pp. 20-21)
Mais encore:
L'enfant ambitieux construit son présent en fonction de son devenir. Il jalonne son présent. (...) Il est en prise directe avec son devenir. Il investit l'être dans le faire, le rêve dans l'action. Sa vision du futur repose entièrement sur la réalisation de son Moi, ici et maintenant. (p. 21)
Pfiou... Moi qui étais ressortie d'un bouquin sur le bilinguisme complètement gonflée de fierté, à la fois d'être dans le bon et de voir mon petit devenir un sacré causeur dans deux langues, me voilà à nouveau dans le questionnement !
Et puis cet article aujourd'hui dans la presse belge, qui fait aussi référence au bilinguisme et au fait qu'à 2 an, un enfant est censé connaître (dire? utiliser?) 310 mots... Tiens, ça me donne envie de faire une liste, histoire de.
Mais à part, ça, les deux leçons du weekend ont été que:
- Le développement de la logique et la recherche de solutions permettant de se faciliter la vie sont vraiment des choses fascinantes chez le petit d'homme (nous sommes en pleine passion du Livre de la jungle). Exemple: G. prend du bout des doigts un livre, puis il en prend un 2e de l'autre main et se rend vite compte qu'il ne pourra pas aller très loin sans les laisser tomber. Alors il en dépose un par-terre, puis dépose le second sur le premier, ajuste sa petite pile, prend les deux livres des deux mains et s'en va tout fièrement. Tout ça sous mon regard ébahi. Pas tant que ce coup de génie (!!) soit celui de mon fils. Mais ça me semble tellement fascinant que ça sorte "tout seul" de sa petite tête.
- G. est dorénavant un bâtisseur de châteaux, avec le détail surprenant qu'il place systématiquement un escalier à l'avant et à l'arrière de ses oeuvres.